Alors que la région de Waterloo est encore endormie en ce dimanche matin, une porte de garage s’ouvre. Une grande dame, venue tout droit du glorieux passé de l’automobile, s’apprête à sortir le bout de son nez sous le soleil qui se lève.
Contact. Le démarreur met en branle avec peine chacun des 6 cylindres dérangés dans leur sommeil. D’un coup, le moteur âgé de 70 ans crache ses poumons dans une fumée noire et vrombit avec hésitation pendant ce réveil difficile. La boite de vitesse accuse péniblement le passage de la marche arrière et voilà la « Lady » sortie de son lit, prête à arpenter les routes champêtres de la campagne brabançonne.
Exceptionnelle
Faisons rapidement les présentations. Il s’agit d’une Bentley Mark VI « Le Mans Special » de 1947, dont la coque en fibre de verre a été pensée par le préparateur Harry Rose, lui donnant cette ligne racée. À l’intérieur du capot kilométrique se trouve un moteur de 4,2L de cylindrée. Tournant grâce aux deux carburateurs qui nourrissent les 6 cylindres, le moteur développe 133 CV, pour un poids total de 1300 kg. Pour maintenir un tel engin en route, il lui faut engloutir plus de 20 litres de carburant pour effectuer un trajet de 100 km! Sa ligne typique des années 40-50, ses énormes phares à l’avant, ses gigantesques roues à rayon font d’elle un témoin vivant du passé glorieux de l’automobile sportive quand grâce et élégance faisaient la paire avec puissance et sportivité… So British Sir !
Une lutte constante
Conduire un tel engin n’est pas de tout repos. La direction est imprécise, la moindre ornière embarque les roues fort éloignées du carrossage. Chaque passage de vitesse est une négociation. Il faut garder un œil sur la route tout en tentant de passer convenablement le rapport supérieur sans faire craquer la boite de vitesse plus vieille que le conducteur lui-même. Enfin, les freins existent uniquement dans la tête de celui qui a conçu cette bête, tant leur inefficacité est surprenante. Mais le plaisir est ultime et l’âme de cette « Lady » fait passer l’éponge sur le fait qu’elle essaie de vous tuer à tout instant. Se dire qu’à l’époque, on faisait des courses automobiles avec de tels engins de mort est surréaliste. Même à 40 km/h sur une route de campagne, on sent à quel point nous sommes vulnérables à son bord.
Une grande dame
Comme toute « Lady » qui se respecte, la Bentley se montre sous ses meilleurs jours à chaque sortie. Un ami du propriétaire l’affuble d’un sobriquet peu élégant et plutôt machiste : « L’aspirateur à Gonzesses ». La réaction des quidams qui croisent son chemin vaut le détour. Les yeux écarquillés, les doigts pointés et les bouches bées sont autant de salutations faites à cette grande dame qui a encore de beaux jours devant elle, assurément.
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